Qu'est ce que l'économie de la fonctionnalité et de la coopération ?

Pourquoi changer de modèle économique ?

Les intérêts économiques, les enjeux sociaux et les impératifs environnementaux ne convergent pas naturellement. Or, le modèle économique actuel n’arrive pas à les concilier. Et cela devient de plus en plus flagrant au regard des urgences écologiques, sociales et économiques de notre temps.

Le besoin se fait ressentir d’une économie replacée au service des Hommes et de la Nature. 

Ainsi, changer de modèle économique, avec le concept de l’économie de la fonctionnalité et de la coopération,
c’est se permettre d’inverser ce rapport à la responsabilité sociale des entreprises,
de ne plus devoir inévitablement considérer la prise en compte d’enjeux sociaux et environnementaux comme de simples suppléments d’âme,
mais comme des avantages stratégiques dans une perspective de développement économique durable.

Qu’est-ce qu’un modèle économique ?

Un modèle économique, ce n’est pas simplement quelque chose qui relève du système marchand, de la façon dont on passe des contrats, dans laquelle on fait des affaires et que l’on appelle le « modèle d’affaires ». Les Anglais appellent ça le business model.

Je n’aime pas beaucoup cette expression, parce qu’elle met l’accent uniquement sur la question de l’échange marchand, les conditions dans lesquelles l’activité rapporte un revenu. Et derrière ce revenu, on renvoie à la rentabilité des entreprises. C’est très important, bien entendu ; je ne suis pas en train de dire que ce n’est pas important, mais ce n’est pas la question unique, ce n’est pas la première question.

La première question du modèle économique : c’est ce que l’on produit, en quoi ce que l’on produit est utile, que ce soit un bien ou que cela soit un service !

La deuxième question, c’est ce qu’on appelle dans le jargon des économistes, la productivité. C’est-à-dire, comment va-t-on mobiliser des ressources pour réaliser ses biens ou ses services, ou ses combinaisons de biens et services et est-ce que l’on peut diminuer les ressources.

Puis il y a la troisième dimension du modèle économique. C’est la question monétaire cette fois ci, c’est à dire les questions d’échange de monnaie et les questions de la rentabilité. Ce qu’on appelle la rentabilité, c’est la capacité de dégager un surplus monétaire pour réinvestir. Il n’y a pas de modèle économique sans rentabilité, donc il n’y a pas de pérennité de l’entreprise sans rentabilité, il n’y a pas de pérennité, y compris pour une association sans rentabilité.

Mais la déviance dans laquelle nous sommes tombés maintenant depuis une vingtaine d’années, c’est que la rentabilité devient le cœur de l’affaire du modèle économique. Comme si c’était la question centrale. NON ! La rentabilité est un moyen qui est nécessaire. Mais si ça devient l’objectif central, alors ça détourne le modèle économique qui, en réalité devrait être centré sur l’intérêt, l’usage :  la question de l’utilité de ses biens et des services.

Modèle économique…

… En quoi les collectivités sont concernées ?

Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’on sort de 200 ans d’économie fondée sur le développement industriel. 200 ou 250 ans selon les régions, ce qui est très ancien, vous le savez bien, au sein du bassin minier qui est une des premières régions industrielles.

Le modèle économique industriel développe des externalités négatives en matière environnementale et en matière sociale. Jusqu’à maintenant, ces externalités étaient considérées par la société comme surmontables. Mais aujourd’hui, elles ne font que s’accentuer. Le mouvement industriel, l’extension industrielle a des externalités majeures.

Mais où apparaissent ces externalités ? Elles apparaissent à un moment donné dans les Territoires. Ce sont les Territoires qui subissent toutes ces externalités qui sont le résultat du modèle économique dans laquelle sont engagées les entreprises. Que ces entreprises soient des entreprises manufacturières ou qu’elles soient de services, il est essentiel, pour moi, que les Collectivités territoriales se préoccupent du fait que les entreprises, quel que soit leur statut juridique, changent de modèle économique et évoluent. Il faut donc qu’Elles s’intéressent à la question du modèle économique des entreprises et qu’elles mènent une politique économique en leur direction pour les aider à changer.

Sortir du modèle industriel, s’engager dans de nouveaux modèles, en particulier le modèle que j’appelle de l’Économie de la Fonctionnalité et de la Coopération ou celui de l’économie circulaire qui peut y être articuler.

Les Collectivités Territoriales ont ici une responsabilité et en particulier les élus. On est donc dans un tournant, essentiel à prendre, qui ré-interpelle, y compris le métier d’élu.

Comment repenser…

… sa stratégie de développement économique

Un certain nombre de collectivités territoriales, pas toutes, ont cherché à assumer les responsabilités économiques dans une logique qu’on pourrait dire de ligne d’attractivité du territoire en cherchant à faire venir les entreprises sur leur territoire. Mais aujourd’hui, cette attractivité est insuffisante parce que les entreprises risquent d’être nomades, opportunistes. C’est à dire qu’elles vont prendre les aides à un moment donné. Puis, lorsque d’autres territoires vont leur offrir des aides différentes, elles se déplacent. Cette politique d’aide à l’entreprise, d’une manière individuelle, se retourne contre le territoire parce que les entreprises n’ont pas complètement de raisons de rester dans ce territoire. Et à ce moment-là, on rentre dans un processus complexe de concurrence entre territoires pour attirer les entreprises.

Il ne s’agit pas simplement d’être dans une logique d’attractivité des entreprises, il faut être dans une logique de développement économique du territoire et donc de fixer les orientations de développement du territoire en matière de mobilité, de santé, de culture en matière d’habiter, de telle manière que ces développements-là permettent, outre des logiques de développement des entreprises, d’offrir des occasions d’activités qui du coup les fixent dans le territoire, les ancrent dans le territoire et les rendent fidèles.

Comment repenser…

… sa stratégie de développement économique

La prise de conscience de l’importance de changer de trajectoire et de changer le rapport aux entreprises et d’influencer les entreprises pour qu’elles quittent le modèle industriel pour s’engager dans un autre modèle que j’appelle servicielle.

Premier point :  prise de conscience.

Deuxième question : ce n’est pas parce qu’on a conscience de ça qu’on sait comment le faire. Le problème qui est posé, c’est qu’une fois que la prise de conscience est là, encore faut-il penser la transition vers un nouveau modèle économique. Il faut donc se donner des outils pour penser cette transition-là. Les collectivités territoriales ont besoin de créer un espace de discussion qui permette à la fois de faire exprimer l’expérience de cette transition et en même temps de faire émerger des dimensions plus conceptuelles, plus intellectuelles qui représentent ce changement.

Troisième point : les collectivités vont être ensuite confrontées au problème d’être organisées, aujourd’hui par silos, par directions des services qui sont engagés dans des silos. Ces silos correspondants en miroir du côté des entreprises, à des entreprises spécialisées par secteurs. Le problème de ces silos, c’est que par cette spécialisation, on n’arrive pas à réfléchir à un développement économique transverse qui d’une part crée des articulations entre ces différents objets et d’autre part permette aux entreprises de sortir d’une logique industrielle organisée par les secteurs d’activité. Il faut privilégier cette transversalité de telle manière qu’on sorte des silos pour créer de la coopération entre ces différents services. C’est d’autant plus important dans la phase actuelle que les Collectivités Territoriales sont confrontées à des budgets qui sont limités. Jusqu’à maintenant, les collectivités territoriales ont tendance à fermer certaines actions pour concentrer leur budget sur d’autres à travers une logique de priorité, en abandonnant certains types d’activités. Et derrière, les enjeux sociaux ou environnementaux qui étaient portés par la collectivité territoriale tombent et donc ces problèmes s’accroissent. Comment faire !?

Quatrième point : renouvellement des formes d’action

Il y a deux orientations. La première, c’est de trouver des formes d’action qui va associer des budgets publics limités à des budgets privés et à l’engagement des citoyens de telle manière que le coût des services qui sont opérés sur les territoires diminue. Il faut combiner l’engagement citoyen, les budgets privés et les budgets publics. C’est d’ailleurs de cette articulation que l’on peut se sortir de la limite budgétaire auquel sont confrontés les élus.

Entreprises, Collectivités…

… pourquoi mieux coopérer ?

Plus de sens du travail

Plus de confiance

Plus d’engagement

Plus de reconnaissance

Je constate malgré tout, que chez les élus comme du côté des entreprises, il y a des aprioris. Chacun voit l’autre pas vraiment comme un partenaire, pas vraiment comme un adversaire non plus mais pas comme quelqu’un avec qui on peut coopérer. Il faut développer la coopération !

La coopération, qu’est-ce que c’est ?

C’est la capacité d’intégrer les contraintes des autres dans son propre travail.

À  ce moment-là si on se préoccupe du travail des autres, on est alors en capacité de faire des choix qui vont converger, qui vont aider ceux du service d’à côté, l’entreprise d’à côté, le territoire.

La coopération moteur du changement

Cela crée un enthousiasme. Vous verrez, si vous l’enclenchez, ça va créer un enthousiasme chez les gens, les personnes qui s’engagent dans cette orientation pour deux raisons.

La première, c’est qu’ils découvrent en s’ouvrant aux autres l’importance de ce qu’ils font. Ils avaient une vision un peu réduite de la portée de leur travail et une vision étriquée à la portée de leur travail. En s’ouvrant aux autres, ils se rendent compte que la portée de leur travail est beaucoup plus importante qu’ils avaient pu imaginer. C’est rassurant, ça donne confiance, ça crée un intérêt. Du coup, une ressource pour l’engagement formidable.

Le deuxième point, c’est qu’en s’ouvrant aux autres, les autres s’ouvrent à vous ; et donc dans cet échange qui est réciproque, vous avez une reconnaissance des autres que vous n’aviez pas avant.

Quelle complémentarité …

… entre les nouveaux modèles économiques ?

Vous devez entendre certainement parler d’économie circulaire, d’économie collaborative, voire d’autres expressions qui aujourd’hui remontent d’ici et de là. C’est symptomatique de la période actuelle.

Les gens de là où ils sont, à partir des de leurs engagements, voient bien qu’ils ne peuvent pas rester enfermés dans l’ancien modèle. Ils le constatent.  Et donc, ils cherchent à innover, cherchent des moyens de s’en sortir. Ils prennent des « angles ».

En fait généralement si vous regardez ce qu’il y a derrière ces concepts :  c’est une façon d’entrer dans l’innovation en termes de modèles économiques.

Par exemple, l’économie circulaire, on va d’abord s’intéresser à la question des ressources matérielles. On utilise beaucoup trop de ressources naturelles. Alors, l’économie circulaire a essayé de réfléchir à cette question en développant deux choses. D’abord, une éco-conception, c’est à dire comment réduire l’usage de la matière dans la production de biens et ensuite comment faire en sorte que cette matière ne soit pas rejetée comme des déchets mais réutilisés ?

C’est une dimension très importante, très importante des processus en cours. Simplement, à chaque fois, il y a une limite. Là, la limite, c’est que la circularité de la matière ne répond pas complètement aux enjeux sociétaux.

Elle ne répond pas au problème de la façon dont on vit. Elle ne répond pas complètement aux enjeux qui relèvent par exemple du sens du travail ou de la reconnaissance du travail. Donc, il y a besoin de compléter cette entrée par d’autres, notamment l’Économie de la Fonctionnalité de la Coopération qui va mettre au centre la question de la coopération, de l’évolution du travail, la question de l’usage des biens et des services sur un plan territorial comme au cœur de ce nouveau modèle économique. Donc, on peut penser des formes d’articulation entre l’économie circulaire et l’économie de la fonctionnalité de la coopération.

 

Économies Circulaire

Économie de la Fonctionnalité

Économie Collaborative

Cette diversité d’expression, cette diversité de modèles, l’expression même d’une diversité d’engagements, sont le signe que ce n’est pas simplement un petit courant de pensée et un petit quelque chose qui se met en place, mais que c’est partagé par un nombre non négligeable d’acteurs.  Si important que les acteurs, y compris, les élus aux niveaux nationaux, sont amenés à reprendre ces expressions dans les nouvelles lois.  Puisque les questions de l’économie circulaire et de l’Économie de la fonctionnalité sont inscrites maintenant dans un certain nombre de textes législatifs et de textes votés par les députés. C’est le même cas pour le développement régional. Ces engagements reviennent dans des textes. C’est le signe que dans la société civile, les expériences nouvelles sont réellement engagées pour aller dans cette orientation. Alors bien entendu, c’est encore émergeant, cela reste encore modeste…

Mais, on a toutes les raisons de penser que si on apporte des ressources nouvelles à ce processus, à ce mouvement, si les collectivités territoriales s’y engagent, alors on sera capable de passer une nouvelle étape et véritablement faire de ce nouveau modèle, un autre moteur – et même dans un temps relativement bref d’une dizaine d’années – véritablement central de la dynamique économique de la Région.

La 2ème rencontres annuelles de Terres EFC Occitanie

Chausser les lunettes EFC ?

Réduction des marges, perte de sens au travail, intensification de la concurrence, épuisement des ressources sont autant d’enjeux que les organisations ont à résoudre.

Nous sommes dans une période qui a besoin de changer de regard sur le monde pour, penser autrement, pour, agir différemment et sortir d’une économie intensive. Cela nécessite de voir le monde, avec de nouvelles lunettes, de façon systémique, locale et économique. L’Économie de la Fonctionnalité et de la Coopération (EFC) est à la fois une économie orientée vers la sobriété tout en étant une économie du « plus », car elle vise à produire davantage de valeur sociale et environnementale, à augmenter la satisfaction et à fidéliser les clients, à développer l’engagement, les compétences et la créativité des salariés, à accroitre la confiance et la coopération entre les acteurs d’un territoire.

Le référentiel EFC provoque un changement de culture au travers du changement du modèle économique et des interrelations entre les acteurs économiques : privé, public, recherche, entreprises, associations et écoles. Ce nouveau concept nécessite de mettre en place une démarche d’acculturation, de vulgarisation et de pédagogie.

Les 7 clés de lecture de l'économie de la fonctionnalité et de la coopération (EFC)

La valeur plutôt que le volume

la coopération plutôt que la coordination

la localité dans sa globalité

le développement durable comme avantage stratégique

le territoire comme ressource

la performance globale

le travail comme facteur d’émancipation

EFC : Chefs d'entreprises et accompagnateurs témoignent

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Pourquoi suivre un dispositif de formation en EFC ?
Paul Boulanger, référent en EFC, partage son analyse des motivations des dirigeants engagés dans une trajectoire EFC